Soins palliatifs … Je cherche les mots pour écrire tout ce qui me trotte dans la tête depuis trois ans … il y a tellement de choses !
J’ai subi une IMG le 11/12/02, le bébé avait une anencéphalie. Quant à l’échographie on nous a annoncé que notre bébé avait une malformation je n’ai pas compris tout de suite que c’était létal. J’ai dit qu’on pouvait le garder, qu’il serait juste différent. Je repense souvent à ces mots que j’ai eus en apprenant le pire. Je crois que, si le docteur nous avait véritablement écouté (enfin m’avait écouté…Hadrien, le papa, était plutôt silencieux …), elle n’aurait pas parlé d’IMG tout de suite. Elle aurait peut-être proposé autre chose, un autre chemin.

Ce refus de l’IMG et cette recherche d’une solution alternative je les ai encore répétés plusieurs fois dans les trois jours qui ont suivis. Dans le bureau du généticien … je lui ai demandé si ce n’était pas » mieux « de laisser les choses se faire, de mener la grossesse à terme… Il a répondu qu’il n’en savait rien, qu’à son avis ce n’était pas possible, qu’en tous cas il ne l’avait jamais vu …. Je cherchais des réponses éthiques, humaines, je lui demandais de quel droit on, lui, nous avions le droit d’interrompre une vie … il me parlait de plante verte (en parlant évidemment de notre bébé !), de foetus qui ne ressentait de toutes façons rien puisqu’il n’avait pas de cerveau … Il ne voyait pas du tout l’intérêt de poursuivre une grossesse » pour rien « . Nous ne parlions pas le même langage.

On était le vendredi, fin d’après-midi, il nous a fixé le RDV pour la prise des médicaments le lundi matin en précisant qu’on était pas obligé de venir, mais que ça ne servait à rien de faire traîner les choses ….
En sortant de son bureau je suis allée dans la chapelle de l’hôpital, non je ne suis pas croyante mais je cherchais désespérément quelque chose qui irait dans mon sens, quelqu’un qui me dirait ce que j’avais besoin d’entendre. J’étais persuadée qu’un prêtre ne pouvait pas me dire que l’IMG était la seule et unique solution. Si.
Encore une fois j’étais seule. Même discours de la part du gynécologue. Pour tous la question ne semblait même pas se poser. De toutes façons ce bébé n’allait pas vivre, et puis il était tellement petit (13 semaines), ils devaient penser que ce serait beaucoup moins douloureux pour nous de faire ça maintenant plutôt que d’attendre. Nous avions un problème, notre bébé avait un problème, et ils avaient LA solution pour nous débarrasser (rapidement) de ce problème.
Le vendredi soir j’ai appelé une association de parents qui avaient perdu un bébé avant la naissance … la personne était très gentille, on a longtemps parlé … non, elle n’a jamais regretté. J’ai aussi réussi à avoir la psy au téléphone quelques instants. Je lui ai parlé de mes interrogations, de ma peur de regretter (et au fond de moi je savais déjà que j’allais regretter, que j’aurai beaucoup de mal à vivre avec cette décision) … elle m’a dit que c’était à moi de prendre la décision mais que quel que soit mon choix elle serait là pour m’aider. J’aurais pu me raccrocher à ses mots mais c’était trop peu. Je me sentais toujours aussi seule.

Pour m’engager sur ce chemin, je m’en rends compte maintenant, il m’aurait fallu plus. Peut-être des témoignages de mamans qui ont fait ce choix. Dans mon entourage, j’étais véritablement la seule à entrevoir cette possibilité, à rejeter l’IMG (non pas parce que je niais le deuil qu’il y a avait à faire et que je ne voulais pas perdre mon bébé mais parce que l’interruption ne correspondait tout simplement pas à ma façon de voir la vie). Hadrien … j’ai cette image de lui au bord des larmes, en réelle souffrance quand je lui ai parlé de poursuivre la grossesse … ça lui semblait insurmontable. Mais je suis sûre aujourd’hui, qu’avec du temps et un soutien, il aurait pu lui aussi envisager ce chemin. Et puis j’avais peur…et puis j’étais jeune (24 ans, Hadrien allait avoir 22 ans) et puis … et puis … toutes ces raisons  » valables  » que l’on a bien voulu trouver.
Malgré tout ce que je ressentais au fond de moi, je l’ai fait.

Pendant trois ans, j’ai eu ce sentiment de culpabilité, cette sensation d’avoir pris la mauvaise décision, et surtout ce sentiment terrible que toutes mes idées sur la vie, mes  » convictions  »
(le fait que toute forme de vie est précieuse ) n’avaient finalement aucun sens. Donc pendant ces trois dernières années, j’ai bataillé avec ces sentiments mélangés… essayer d’accepter cette IMG comme étant la meilleure décision qu’il y avait à prendre, la seule… mais comment l’accepter alors que tout en moi disait le contraire…?
Impossible d’en parler. Déjà parler d’un bébé de 13 semaines pour beaucoup ça n’a aucun sens, alors parler de poursuivre une grossesse dans un cas comme ça, encore moins …

Hadrien, ma mère ou le gynéco qu’on a revu me disaient que je fantasmais sur cette grossesse, que ces moments de partage que j’imaginais avec mon bébé pendant la grossesse n’auraient pas existé, parce que j’aurais sûrement été trop mal, que le bébé aurait sûrement souffert, que je refusais tout simplement ce qui nous était arrivé.

N on. J’ai lu il y a quelques semaines le livre  » Un enfant pour l’éternité  » et… révélation. Ce chemin existe, est possible, est même très beau. Tout m’a semblé naturel en la lisant. Tout m’a semblé évident. Accompagner mon bébé sur son court chemin. Parce que pour moi le chemin de la vie commence dès le début de la grossesse. Mon bébé avait commencé son chemin. Il allait être court mais j’aurais pu lui laisser profiter du temps qu’il avait. Je pense qu’il était bien dans mon ventre, qu’il ne souffrait pas. Petit Tom aurait pu vivre de belles choses. Partager un peu de notre vie depuis sa petite bulle.

Je sais que ça aurait été très dur, et peut-être que je n’aurais pas été assez forte. En même temps depuis trois ans j’ai l’impression qu’il me faut une force énorme pour accepter le choix que j’ai fait, pour me reconstruire dans ce regret, dans cette souffrance. Cette interruption de grossesse ne m’a pas du tout apaisée, elle n’a pas été pour moi une solution et je sais maintenant que je ne pourrai jamais l’accepter. Juste vivre avec.
Mais, grâce au livre » Un enfant pour l ‘éternité « , je sais que mes idées ne sont pas utopiques, irresponsables, au contraire. Avec Hadrien, on en a beaucoup parlé et je crois que maintenant lui aussi voit les choses comme ça.

Ma deuxième grossesse (très rapprochée) a été très douloureuse : je portais un enfant mais j’avais l’impression qu’au moindre problème on allait interrompre sa vie. Ca n’avait aucun sens.
Aujourd’hui je suis de nouveau enceinte et apaisée. J’ai trouvé une réponse. Je suis prête à accompagner mon bébé, quel que soit son chemin. Je ne referai pas la même erreur. Je m’écouterai … et ce sera l’essentiel …

Il y a trois ans, aucun médecin ne nous a parlé de soins palliatifs… Et ils ne nous ont même pas écouté quand moi j’en parlais.

Je crois que la plupart des gens se disent qu’une IMG au tout début de la grossesse est un acte beaucoup moins douloureux qu’une IMG tardive ou que la perte du bébé à la naissance. Et peut-être que la plupart des parents ressentent les choses comme ça. Mais pas tous.

C’est aussi pour ça que les médecins ont précipité les choses, parce que chaque jour de grossesse de plus était selon eux un jour de souffrance en plus, un jour qui pèserait plus tard, alors que c’était un jour de gagné pour petit Tom, un jour de partage en plus.
On a manqué de temps. Si on avait eu le temps, on aurait pu rencontrer la psy, en parler longtemps avec elle avant de prendre une décision … peut-être que ça aurait pu changer les choses…