Pour les parents, réflexions autour de cette reprise

Le travail d’apprivoisement de l’absence de son bébé est long et difficile. Il demande du temps, de la tolérance, de la douceur vis-à-vis de soi et des autres, car ce cheminement se fait avec des hauts et des bas, avec le sentiment de traverser des “montagnes russes“; il comporte des avancées mais aussi des détours multiples.

Si vous aviez un travail, vous allez être confronté(e) à la question de la reprise de ce travail. Faut-il le faire très vite pour se garder dans la vie ? Ou au contraire se préserver un temps pour soi et pour pouvoir penser à son bébé ? Certains parents se sentent épuisés et sans énergie pour ce retour dans la vie courante, ils ont peur de cette perspective. Il n’y a pas de bonne solution, il est surtout important d’être attentif à ses ressentis et ses besoins personnels.

Nous vous proposons une série de réflexions et de propositions pour vous accompagner dans votre reprise du travail.

Barbara, Sophie et Charlotte, bénévoles de l’association SPAMA.

NB : Quelque temps après sa reprise, il est important de la ré-évaluer avec la personne de confiance que l’on a choisi, son médecin traitant ou toute autre personne impliquée, et de prendre des mesures adaptées, si c’est nécessaire.

Questions autour de l’annonce du décès de votre bébé

Annoncer le décès de votre bébé à votre employeur
Parfois, il peut être utile de choisir une personne de confiance pour le faire à votre place.

Annoncer le décès à vos collègues
Plusieurs cas de figure se présentent en fonction des besoins de chaque parent :

  • Vous souhaitez que tous vos collègues soient mis au courant de votre situation,
  • Vous souhaitez que seuls vos collègues proches soient mis au courant,
  • Vous souhaitez qu’aucune communication ne soit faite à propos de ce que vous avez vécu et vivez aujourd’hui.

Communication avec les collègues
Avant la reprise du travail, il peut être utile de transmettre à vos collègues vos attentes : il s’agit d’expliquer si vous souhaitez parler ou non du décès de votre bébé et de quelle manière. Cela permet de limiter la gêne des uns, les paroles maladroites des autres ou l’indifférence générale qui peut faire si mal. Vous pouvez le faire vous-même ou demander à un collègue de confiance de relayer ces souhaits à votre place.

Paroles de bénévoles SPAMA
“Le fait que les collègues soient au courant de ce que vous vivez peut faciliter votre retour au travail…mais c’est à chacun de voir ce qui lui convient, et personne ne doit porter un jugement sur votre décision !”

Questions autour des modalités de travail et de vos missions

Définir les modalités de temps de travail

Plusieurs possibilités peuvent s’offrir à vous. Voici quelques questions que vous pouvez vous poser pour vous aider à répondre au mieux à vos attentes :

  • Est-ce que je souhaite reprendre le travail? Si oui, quand ?
  • Et à quel rythme, temps plein, temps partiel ?

S’autoriser à reprendre si cela vous fait du bien, mais attention à ne pas reprendre trop tôt et à prendre le risque de vous mettre en difficulté pour plus tard…

Adapter vos missions

Le cheminement dans votre deuil prend du temps et demande beaucoup d’énergie, ce qui explique l’immense fatigue que vous pourriez ressentir. Vous pouvez vous sentir comme ralenti dans vos gestes et vos capacités, avec le sentiment d’être incapable de travailler. En fait, toutes vos pensées sont mobilisées par votre enfant et la souffrance autour de son absence. Ou au contraire, vous pouvez être pris d’un besoin d’activité intense. N’en ayez pas peur. Chacun réagit comme il le peut, et avec son mode de fonctionnement interne.

Paroles de bénévoles SPAMA
“Soyez indulgent avec vous-même. Fixez-vous des objectifs simples et accessibles. Ne visez pas trop haut.”

Les bonnes questions à se poser

Travailler pour retrouver sa vie d’avant ?
Parfois l’entourage peut vous pousser à vous remettre au travail pour éviter l’isolement, pour reprendre une vie sociale et retrouver “la vie d’avant”.

Les questions à se poser :

  • Qu’est-ce qui va faire que la reprise du travail va fonctionner ?
  • Qu’est-ce qui risque de me mettre en échec ?
  • Quel équilibre puis-je essayer de trouver ?
  • Comment exprimer mes besoins ?

Retrouver du sens dans son travail
Des parents témoignent très souvent combien ils peuvent se sentir en décalage avec leur monde professionnel et ses préoccupations, incapables de le ré-affronter trop vite et incompris dans leur souffrance.

 

Paroles de bénévoles SPAMA

“Essayez de remettre à plus tard les grandes décisions qui pourraient changer définitivement le cours de votre carrière. Vous n’êtes peut-être momentanément pas en état de prendreune décision que vous pourriez regretter un jour.“

Oser dire quand c’est compliqué

Acceptez de vous sentir limité, le deuil demande beaucoup d’énergie et vous êtes souvent fatigué. Cela est normal. Ne culpabilisez pas si vous trouvez que votre deuil semble durer longtemps, chacun le vit à son rythme.

Votre chagrin peut aussi s’inscrire dans votre corps. Le corps entier peut vous faire mal : sentiment de malaise diffus, insomnies, maux d’estomac, de tête, de dos, perte de l’appétit, douleur des bras vides…

Lorsque la reprise du travail est compliquée (fatigue, tristesse, état dépressif…), il est important d’en discuter avec son employeur, car cela peut entraîner des risques au travail, voire des dangers dans certains cas. L’impact psychique et physique de votre deuil peut diminuer vos capacités à accomplir vos missions correctement et cela est tout à fait normal, notamment dans tous les métiers relationnels, ceux liés à l’enfance ou aux soins, mais aussi les métiers particulièrement physiques.

Vivre son deuil face aux autres

Les relations aux autres
Il est normal de se retrouver dans un sentiment d’ambivalence : ne pas vouloir vous sentir isolé(e), mis(e) à l’écart, mais en même temps ne pas avoir forcément envie de parler de ce que vous vivez, d’écouter les commentaires du quotidien de vos collègues, leurs blagues ou les récits de leur vie familiale…

Se construire un espace personnel
Donnez-vous le droit d’avoir du chagrin, d’exprimer votre tristesse et de pleurer. Vous n’êtes ni fragile, ni bizarre. Vous êtes en deuil. Pour cela, il est important que vous puissiez avoir accès à un espace bien à vous, à l’écart, pour vous isoler et lâcher prise, si le besoin se fait sentir au cours de la journée.

Ne pas se sentir “forcé” par son employeur / manager
C’est à vous de fixer votre cadre et de l’adapter, si nécessaire, durant votre processus de deuil.

Paroles de bénévoles SPAMA
“Il est tout à fait possible de reprendre le travail et de se désengager quelque temps après, parce que vous n’êtes finalement pas prêt(e)…”

Le lien humain est fondamental. Il est important de chercher des personnes, proches ou moins proches, auxquelles vous pourrez parler. Mais sachez aussi vous protéger. Certaines personnes seront une aide, d’autres non. Et cela est normal, tout le monde ne peut/ne sait pas se mettre à l’écoute des autres.

Choisir un interlocuteur privilégié dans le cadre de votre environnement professionnel
Sur quelle personne pouvez-vous compter et vous appuyer ? Cela peut être votre manager, une collègue proche, votre N+2, votre RH, un représentant du personnel… Vous devez vous sentir en confiance dans votre relation avec cet interlocuteur privilégié.

Les ressources
Différentes ressources en entreprise peuvent parfois être un lieu d’écoute et d’appui pour vous aider :

  • La médecine du travail (arrêt de travail, reprise à temps partiel…),
  • Psychologue du travail, assistante sociale,
  • Ressources humaines, instance représentative du personnel.

Pour les mamans :

  • Si votre enfant est né déjà décédé (mort-né) avant 22 SA ou d’un poids inférieur à 500gr ou s’il est né vivant puis décédé avant 22 SA oud’un poids inférieur à 500 gr, vous pouvez bénéficier d’un congé maladie (sous le régime du risque maladie), de la durée prescrite par votre médecin, mais sans jour de carence pour vos indemnités.
  • Si votre enfant est né déjà décédé (mort-né) après 22 SA ou d’un poids supérieur à 500gr, si votre enfant est né vivant puis décédé après 22 SA ou d’un poids supérieur à 500gr, vous bénéficiez de tous vos droits maternité : congé maternité selon le rang de votre enfant + un congé deuil indemnisé par l’Assurance maladie, à prendre dans l’année.

Pour les papas :

  • Si votre enfant est né déjà décédé (mort-né) mais après 22 SA ou d’un poids supérieur à 500gr, si votre enfant est né vivant puis décédé après 22 SA ou d’un poids supérieur à 500gr, vous pouvez bénéficier du congé de paternité (25 jours pour la naissance d’un enfant, 32 jours pour une naissance multiple) + un congé deuil, avec le certificat médical d’accouchement de la maman fourni à votre caisse d’Assurance Maladie.

Voir la rubrique « Textes législatifs en vigueur »

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Pour le monde du travail

La douleur de perdre un bébé perdure dans le temps et a des impacts sur le fonctionnement des parents qu’il faut connaître pour mieux les prendre en compte. Mais aussi pour déterminer avec le parent ce dont il aura le plus besoin :

  • perte de sommeil, de l’appétit, d’énergie
  • sensation d’être tendu, stressé
  • douleurs physiques, lourdeur du corps, nausées, douleurs articulaires…
Affronter un deuil demande énormément d’énergie. Il est indispensable de rester à l’écoute des collaborateurs.trices endeuillé.es et d’adapter les conditions de travail pour répondre au mieux à leur état physique et à leur disponibilité psychique.
Propositions élaborées par Barbara, Sophie et Charlotte, bénévoles de l’association SPAMA.

Vous pouvez être touché par ce qui est arrivé à votre collègue endeuillé.e et soucieux de son état émotionnel. Pour en parler avec lui :

  1. Choisissez le bon moment, quand vous êtes tous les deux disponibles,
  2. Dites lui que vous êtes là pour lui, s’il le souhaite et en a besoin; ne le poussez pas à parler immédiatement.
  3. Laissez à votre collègue le soin de choisir le moment de se confier.
  4. Trouvez un lieu adapté pour pouvoir échanger dans la confidentialité.
  5. Acceptez les silences, ses larmes… ne vous sentez pas obligé de meubler la conversation. Le silence est précieux dans le réconfort et manifeste, parfois mieux que des mots, votre attention et votre soutien.
  6. Si vous êtes à l’aise avec l’idée, n’hésitez pas à poser la main sur le bras de votre collègue, sur son épaule, voire le prendre dans vos bras, si c’est approprié.
  7. Ecoutez pour entendre sa souffrance, non pour lui répondre.
  8. Evitez de faire des comparaisons avec d’autres situations. Si vous avez vous-même connu un deuil périnatal, dites-lui que vous pouvez comprendre ce qu’il traverse aujourd’hui, mais sans raconter votre histoire, sauf s’il vous le demande.

Lorsqu’un.e salarié revient en entreprise suite au décès de son bébé, il est important de l’aider lors de sa reprise et de lui permettre de choisir les options qui lui conviendront le mieux en fonction des possibilités de l’entreprise:

  • Reprise à temps partiel (80%, 50%) pour une période définie ensemble, qui peut se prolonger si besoin,
  • Changement de poste et/ou de service car il est parfois difficile de revenir parmi ses collègues ou de se retrouver face à ses clients habituels,
  • Organiser une visite médicale de retour au travail, soit avec la médecine du travail qui déterminera si le.la salarié est en capacité de le faire, soit en lien avec son médecin traitant.
  • Accepter une démission ou une rupture conventionnelle si le.la salarié n’est plus en capacité de rester dans l’environnement de ce travail.

Afin de faire le lien entre le parent endeuillé et son entreprise, il est préférable d’avoir un interlocuteur unique qui permettra au parent qui le souhaite de transmettre les informations concernant son retour et ses conditions de reprise.

Il est important que cet.te interlocuteur.rice ait la confiance du parent concerné et comprenne qu’il s’agit d’un cadre confidentiel où il/elle ne pourra transmettre à l’entreprise que les informations autorisées par le parent concerné. Il peut s’agir :

  • d’un.e collègue du même service,
  • d’un.e collègue d’un autre service,
  • du manager direct,
  • d’une personne du service RH ou du service SST,
  • du psychologue de l’entreprise (s’il/elle existe au sein de l’organisation),
  • de l’infirmier.e d’entreprise (s’il/elle existe au sein de l’organisation).

Face à un.e collègue qui a perdu son bébé, il est parfois difficile de savoir comment réagir mais vous pouvez établir certains modes opératoires en entreprise pour aider ce parent.

Le parent endeuillé a besoin:
  1. d’écoute, afin de pouvoir partager son histoire, s’il le souhaite et sans que l’écoutant soit mal à l’aise
  2. d’un espace pour vivre sa tristesse sans être au vu de tous
  3. de tâches qui demandent moins d’attention, de précision ou d’analyse car ses émotions le fatiguent beaucoup et il/elle peut être moins efficace ou réactif.ve.
  4. de temps, car parfois il/elle ne peut pas exprimer les choses dans l’immédiat
  5. de travail, car il/elle a aussi besoin de rester connecté.e à sa réalité professionnelle, mais il faut limiter le stress et la pression que certains postes peuvent générer
  6. de ne pas être considéré avec pitié, ni condescendance. Le deuil n’est pas une maladie ! Et tout le monde connaitra un jour ou l’autre un deuil à traverser.
Ce que vous pouvez faire :
  1. Évaluer si vous êtes en capacité de recevoir ce récit, en écoute active et sans jugement
  2. Fournir un endroit dans l’entreprise où le parent pourra se retrouver seul, s’il le souhaite, pour vivre ses émotions
  3. Alléger sa charge de travail s’il.elle en exprime le besoin. Soyez prêt à ce que sa performance soit moindre
  4. Lui permettre d’exprimer ou non ses émotions, de prolonger son arrêt, de prendre plus de temps pour faire les choses
  5. Limiter les exigences de performance et le stress, surtout au début et évaluer l’augmentation de sa charge de travail avec lui.elle.
  6. Traiter le parent normalement, mais en prenant en compte ces circonstances. Ne pas le stigmatiser

 A faire / A dire en entreprise

A FAIRE
  • Savoir rester silencieux et ne pas essayer de proposer des solutions
  • Permettre au parent endeuillé de vivre/d’exprimer ses émotions dans un espace sécurisé (son bureau, une salle vide disponible…)
  • S’informer sur le vécu du deuil périnatal et ses complexités (cf: site SPAMA) avant le retour du parent
  • Permettre au parent endeuillé d’être lui-même au travail, même si le tourbillon des émotions est encore très présent
A DIRE EN ENTREPRISE
  • De quoi aurais-tu besoin?
  • Que puis-je faire pour t’aider?
  • Puis-je te prendre dans les bras?
  • Je sais que tu as perdu ton bébé et j’en suis tellement désolé.e/triste pour toi
  • As-tu envie d’en parler ici ?
  • Comment te sens-tu aujourd’hui ?
  • Qu’est-ce qui pourrait t’aider, te faire du bien maintenant ?
  • Je ne veux pas paraître distant.e mais c’est difficile pour moi d’écouterton histoire
  • J’aimerais t’aider mais je ne sais pas comment faire

A ne pas faire / A ne surtout pas dire (en entreprise ou ailleurs…)

A NE PAS FAIRE
  • Faire comme si rien ne s’était passé (ce serait comme nier l’existence de ce bébé !)
  • Exiger que le parent endeuillé reprenne son poste avec la même énergie qu’avant…
  • Rajouter au processus de deuil du stress au travail !
A NE SURTOUT PAS DIRE
  • Allez… ça va passer
  • C’est pas grave, tu en feras d’autres (enfants)
  • Moi aussi, j’ai perdu ma grand-mère cette année
  • Tu es encore triste ! Mais ça fait des mois maintenant…
  • Il est temps de passer à autre chose !
  • Ouh lala, tu es encore enceinte après ce qu’il t’est arrivé avec le précédent !

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